Luzinterruptus est un collectif madrilène à l'origine d'installations éphémères qui fleurissent dans le monde entier depuis 2008. Son terrain de jeu : la ville. Son arme : la lumière. Son but : transmettre des messages idéologiques, pousser un "coup de gueule" contre le gouvernement espagnol, ou tout simplement embellir la rue et souffler un vent de poésie sur ses habitants...
« Nos actions artistiques sont parfois à la limite de la légalité », explique l'un des membres du groupe artistique. « Elles
sont polémiques, mais jamais destructives. On ne casse rien, mais comme
on intervient la nuit, qu’on joue sur une certaine esthétique de la
lumière, elles ont souvent un certain écho sans qu’on ait véritablement
de problèmes avec la justice. »
Litterature versus Traffic
J'ai eu un coup de cœur pour leur projet Litterature versus Traffic, mené tout d'abord à New York en 2010, puis deux ans plus tard à Melbourne à l'occasion du festival The Light in Winter.
Le 17 février au petit matin, 800 livres ont été déposé sur le goudron enneigé de Water Street, juste devant le pont de Brooklyn. Le message est symbolique : la littérature contre les voitures, le poids des mots contre celui de la technologie. Grâce à des petites lumières incrustées dans les pages, le collectif Luzinterruptus a réussi à transformer une rue sombre et froide en un tapis scintillant débordant d'imaginaire et de savoir. De nos jours où les livres sont tristement abandonnés pour des liseuses numériques, cela fait chaud au cœur de voir des milliers de feuilles de papier gagner une bataille contre la technologisation...
L'installation menée à Melbourne fut encore plus spectaculaire. C'est un total de 10 000 ouvrages, considérés comme obsolètes par les libraires et récupérés bénévolement par l'Armée du Salut, qui furent cette fois-ci dispersés à différents endroits de la ville, créant une véritable rivière de livres qui illumina la ville pendant un mois. Le dernier soir, les passants furent invités à emporter avec eux tous ceux de leur choix. De nombreux automobilistes passant par là furent également stupéfaits de baisser leur fenêtre et de recevoir en cadeau un de ces livres mystérieux...
Droit de piétiner
Espagne, Décembre 2013. Le ministre de la justice propose une loi d'interdiction du droit à l'avortement, sauf dans le cas d'un viol attesté par dépôt de plainte ou s'il y a « un risque durable ou permanent pour la santé physique ou psychique de la mère ». Un retour de 40 ans en arrière. Rien que de l'écrire, j'ai envie de frapper dans un punching ball.
Février 2014. La loi passe au Congrès. C'est l'indignation dans toute l'Espagne, une véritable atteinte aux droits des femmes qui résonne dans l'Europe entière. C'est donc possible ?! De nos jours, dans un pays développé comme l'Espagne, un ministre très inspiré - masculin soit-dit en passant, il ne risque pas de l'expérimenter, sa loi - décide de revenir sur un droit fondamental accordé à la femme et le Congrès laisse faire ?? Mais à quoi ça sert d'avoir un système législatif censé assurer nos droits les plus essentiels ?
Fin mars 2014, Luzinterruptus réagit par cette installation très sombre et accusatrice intitulée Derechos que Pisotear (Droit de Piétiner). Ils racontent : « Chargés de poupées en plastique dans lesquelles nous avons placé des lumières et auxquelles nous avons scellé les bouches, nous sommes allés, une nuit du mois de Mars, devant le Ministre de la Justice à Madrid et nous avons placé leurs visages sur la chaussée comme un tapis de femmes prêtes à être piétinées. »
Fin septembre, le gouvernement Rajoy fait marche arrière et retire son projet de loi hautement controversé. Le ministre de la justice annonce même sa démission. Reste quand même cet sentiment de mal-être, de trahison et d'inquiétude quand à la potentialité d'un telle politique régressive au sein de l'Union Européenne. Aujourd'hui l'avortement, demain la pilule, et après-demain le droit de vote ?
Consumerist Christmas Tree
L'installation Consumerist Christmas Tree a été menée à Durham (Angleterre) lors du Light Festival 2013. Un immense sapin de 9 mètres de haut a été construit grâce à 3000 sacs en plastique donnés par les habitants et les commerçants de Durham, qui ont participé à la création de ce gigantesque ''arbre de plastique'' en plein centre commercial de la ville. « Nous voulions donner un double sens à notre complainte, d'un côté l'usage massif des sacs en plastique et son impact sur l'environnement, et de l'autre la consommation excessive et superflue pendant les fêtes de Noël. ».
Leur méthode est à la fois simple et efficace : travestir LE symbole d'une fête devenue grandement commerciale pour dénoncer les excès du capitalisme. Et pour rappeler à chacun d'entre nous combien nous polluons dangereusement la planète, la détruisant à petit feu par notre insouciance et notre indifférence. L'installation est restée en place deux mois, de mi-novembre jusqu'à la fin des fêtes de fin d'année, faisant réfléchir les passants en cette période propice aux frénésies acheteuses.
Urban Heart Beats
Urban Heart Beats a eu lieu à Tartu, en Estonie, dans le cadre de l'urban festival UIT. Cette fois-ci, pas de visée polémique, seulement un désir d'embellir les rues et de leur apporter une touche de féérie. « Nous voulions représenter visuellement et poétiquement la vitalité du battement de cœur d'une ville », expliquent les membres de Luzinterruptus sur leur blog. Pour ce faire, ils ont suspendu 1000 cœurs symboliques créés à partir de sachets en plastiques et de scotch, remplis d'un liquide rouge révélant des photographies des habitants du quartier.
Vous avez envie de découvrir les autres projets du collectif Luzinterruptus ? Allez faire un tour sur leur blog et leur portfolio.
J'aime beaucoup , c'est féerique et optimiste
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